Le dixième jour de jeûne est passé sans encombre. Dans le jargon ramadanesque du terroir, on appelle cette tranche la « dizaine des chevaux », tellement elle passe rapidement, le corps étant encore en possession de toutes ses capacités de résistance. Passons… vite, avant que je ne prétende à une érudition que je n’ai pas. Parlons plutôt de Karim Benzema.
Voilà un footballeur stratosphérique, français, d’origine algérienne et star interstellaire du Real Madrid, le plus grand club du monde du système solaire qui, à bientôt 35 ans, brille comme jamais. À son âge, les plus grands sont à la retraite, évoluent à des niveaux moins exigeants ou sont gardés dans leur club pour services rendus. Ils y font de furtives apparitions parce qu’on attend toujours d’eux de salvatrices fulgurances. Je voudrais quand même vous parler d’autre chose, concernant Karim Benzema. Ici, il y en a qui ont entrepris depuis quelque temps de lui inventer une autre vocation, voire un autre… destin. En dehors de sa barbe tendance quoiqu’un peu équivoque, il n’a jamais manifesté le moindre signe ostentatoire ni simplement public de religiosité.
C’est donc à partir de notre vaste et beau pays qu’on lui a fabriqué une mission à leur goût, un moule à leur dimension. Grand joueur, fierté du pays de ses origines ? Non seulement ça ne leur suffit pas mais ce n’est manifestement pas ce qu’on attendait de lui : Benzema est musulman, grand musulman devant l’Éternel et c’est à ce titre qu’il est intéressant ! On l’a donc grossièrement habillé en qamis, photographié à une table de Ramadhan… indéchiffrable, opposé à Mohamed Salah qui fête Noël, lui, l’Égyptien pur jus, comparé à Mahrez qui embrasse sa compagne en public… La dernière ?
Lors de son dernier match de Ligue des champions où il a terrassé Chelsea à lui tout seul avec trois buts venus de nulle part, on lui a compté… deux dattes et une gorgée de lait dans l’estomac ! L’heure de la rupture de jeûne coïncidant avec le début du match, le grand Karim Benzema n’aurait donc pas eu le temps de manger mais ça ne l’a pas empêché de sortir un match historique ! Il fallait vraiment la trouver, celle-là. Et les grossiers montages photos ont fait le reste.
Lui, il continue de jouer au foot, il le fait bien, il le fait même très bien et c’est le moins qu’on puisse dire. Le reste lui appartient et apparemment il y tient. Si Karim Benzema est pieux mais garde ça pour lui, ce n’est pas un moindre mérite par les temps qui courent. Sinon, il est libre et il a raison de ne pas en faire un débat public. Les autres sont aussi libres de leurs fantasmes !
Message personnel : mes amis Saadi et Akli Kasmi et Mourad Goumiri, j’attends toujours que vous me fassiez signe pour reprendre la « route du Ramadhan ». À ne pas confondre avec Tarik Ramadan.
Malika Boussouf, Le 12 avril 2022
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