Les autorités iraniennes ont demandé samedi à la justice et au Parlement de revoir une loi de 1983 sur le port du voile obligatoire en vue de trouver une issue au mouvement de contestation qui a fait des centaines de morts depuis deux mois et demi.
Un volte-face du régime inattendu annoncé lors d’une conférence de presse à Téhéran par le chef de l’État qui semble avoir ouvert la porte à de possibles changements : « Notre constitution a des valeurs et des principes solides et immuables […], mais il existe des méthodes de mise en œuvre de la Constitution qui peuvent être infléchies », a-t-il dit selon ce que rapporte le site canadien La Presse.
Quelques heures après cette déclaration, le procureur général d’Iran, Mohammad Jafar Montazeri, a annoncé que « le Parlement et le pouvoir judiciaire travaillaient » sur la question du port du voile obligatoire, sans préciser ce qui pourrait être modifié dans la loi, d’autant que le président ultra-conservateur, Ebrahim Raïssi, a imposé cet été de nouvelles restrictions vestimentaires.
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Il s’agit d’une question ultra-sensible en Iran, sur laquelle s’affrontent deux camps : celui des conservateurs qui s’arc-boutent sur la loi de 1983 rendant le port du voile obligatoire et celui des progressistes qui veulent laisser aux femmes le droit de choisir de le porter ou non.
Rappelons que le voile est devenu obligatoire en Iran quatre ans après la révolution islamique de 1979. La police des mœurs, connue sous le nom de Gasht-e Ershad (patrouilles d’orientation), a été créée pour « répandre la culture de la décence et du port du voile ».
Selon une loi en vigueur depuis 1983, les femmes iraniennes et étrangères, quelle que soit leur religion, doivent porter un voile et un vêtement ample en public.
Et depuis le 5 juillet, une loi « sur le voile et la chasteté du pays », mise en place par le président Raïssi, impose de nouvelles restrictions aux femmes. Le foulard obligatoire doit couvrir, en plus des cheveux, le cou et les épaules.
L’ombre de Mahsa Amini…
L’Iran est confronté à des manifestations quotidiennes depuis la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans arrêtée trois jours auparavant par la police des mœurs pour avoir enfreint le code vestimentaire de la République islamique imposant notamment aux femmes de porter le voile en public.
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Depuis, les Iraniennes ont été le fer de lance des manifestations et certaines ont enlevé et brûlé par défi leur foulard.
Depuis la mort de Mahsa Amini et les manifestations qui ont suivi, un nombre grandissant de femmes se découvre la tête, notamment dans le nord huppé de Téhéran.
Le 24 septembre, soit une semaine après le début des manifestations, le principal parti réformateur d’Iran a exhorté l’État à annuler l’obligation du port du voile.
L’Union du peuple de l’Iran islamique, formé par les proches de l’ex-président réformateur Mohammad Khatami (1997-2005), a dit « exiger » des autorités qu’elles « préparent les éléments juridiques ouvrant la voie à l’annulation de la loi sur le port du voile obligatoire », selon un communiqué publié fin septembre.
Cette formation, qui n’est pas au pouvoir, réclame en outre que la République islamique annonce « officiellement la fin des activités de la police des mœurs » et « autorise les manifestations pacifiques », ajoute le texte.
Au total, 448 manifestants ont été tués à travers le pays depuis le début du mouvement, selon l’ONG Iran Human Rights (IHR), établie en Norvège.
Des milliers de personnes ont été arrêtées depuis le début du mouvement. Samedi, une nouvelle actrice de cinéma, Mitra Hajjar, a été interpellée à son domicile. Elle a récemment publié sur son compte Instagram une vidéo sur des manifestations en octobre à Berlin en soutien au mouvement en Iran.