Dimanche 16 octobre, dans un échange avec ses lecteurs, l’écrivain Yasmina Khadra a durement été interpellé dans un commentaire par un internaute. La réponse de l’écrivain ne s’est pas faite attendre.
Le commentaire de l’internaute :

Internaute : « Aucun mot sur ce qui se passe actuellement en Algérie ? Presse muselée , militants emprisonnés, droits de l’homme bafoués… et la liste est longue . Un peu de Courage Monsieur l’écrivain Touriste . »
La réponse de Yasmina Khadra :

Yasmina Khadra : « Ce qui se passe aujourd’hui en Algérie est tellement écœurant que le simple fait d’y penser donne envie de vomir jusqu’à ses tripes.
Jamais, au grand jamais, l’Algérie n’est allée aussi profondément dans les abysses de ses infortunes. La corruption a atteint son paroxysme, la bêtise et le manque de discernement aveuglent jusqu’aux astronomes, la discorde a trouvé son meilleur vivier, et les vauriens sont splendides de zèle et de médiocrité.
Ce que j’avais à dire sur le désarroi algérien, je l’ai écrit à maintes reprises, dit sur tous les plateaux, condamné dans toutes mes prières. Si vous ne l’avez pas aperçu quelque part, c’est parce que vous êtes totalement étranger à ce que vous déplorez.
Aujourd’hui, on me reproche de ne pas faire trop de vagues, de ne pas parler des abus, des injustices, de la hogra tentaculaire, des détenus que l’on enferme arbitrairement pour avoir crié leur douleur, du Hirak torpillé par les inconscients. Pourtant, je n’ai fait que cela depuis des décennies.
Je m’étais même présenté aux élections présidentielles en 2014 pour appeler les Algériens à sortir la tête du sable. On m’a ri au nez, traité de lièvre et de guignol. J’ai appris une chose, cependant. La longévité du Système repose exclusivement sur ce patriotisme de pacotille qui dresse les neo-héros contre les vraies consciences de la nation. Pourtant, il suffit de consulter Haj Google pour s’instruire et s’empêcher de dire des effronteries.
L’Algerie, mon cher frère, a perdu une part de son âme dès lors que ceux qui militent sur le Net accusent ceux qui se battent sur le terrain de désertion. À l’usure, le sage comprend que la fausse donne est une réalité que la Vérité négocie à perte pour ne pas renoncer à l’ensemble de ses valeurs. La cacophonie n’est pas seulement un chahut, elle est surtout le chant vaillant des vaincus. Le jour on l’on apprendra à ne pas se tromper d’ennemi, tous les mirages se transformeront en oasis. Ceux qui ne savent pas se tairont et on n’entendra que la parole juste et l’hymne des rédemptions.
Bien à vous, mon frère de terre et non de lait. »
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