Dans la soute, c’était moi le bagage en soute ! Slimane Laouari
La semaine a été pénible. Dans le vol Constantine-Paris, il y avait un passager spécial. Dans un avion, il y a toujours des voyageurs différents des autres, vous me direz. C’est ainsi, ce n’est pas vraiment dans les aéroports qu’on refait le monde. Enfin, si tant est qu’on le refasse ailleurs. Dans le vol Constantine-Paris, il y avait un voyageur là où il devait y avoir sa valise à roulettes ou plutôt son sac à dos, son âge y convenant mieux.
« Sur ma route, j’avais pas de bagage à soute. » C’est une chanson de rap que le Harrag des Airs a dû chanter avant d’investir le tarmac. Il se peut qu’il ne connaisse pas la chanson. Les harragas ne se recrutent pas beaucoup autour de la « philosophie », encore moins de la sociologie des branchés.
Dans le vol Constantine-Paris, il y avait un VIP du… pire. Comment il a fait pour parvenir jusque dans cet endroit de l’avion ? Dans sa vie, il n’a pas dû voyager des masses, le bonhomme. Il se peut même que ce soit la première fois qu’il approche un avion. Alors, il a fait comment pour trouver la soute ? À part suivre le chariot à valises et à sacs à dos, comment il s’est repéré pour parvenir au… garage ?
Une harga de luxe, cette traversée par le ciel ? Si le jeune homme n’a pas été « aidé », l’aventure devait être gratuite, ce qui est rare dans la harga « classique », devenue un travail à plein temps pour beaucoup. Peut-être bien une… vocation, tant qu’à faire. Une vraie folie, cette tentative d’aller voir un autre pan du ciel en empruntant un couloir du… ciel à l’endroit où les gens heureux, c’est-à-dire les gens normaux, déposent leurs valises. Il serait étonnant que le jeune homme ait évalué ses chances en l’occurrence. De survie d’abord. D’aboutissement heureux, ensuite.
Il a réussi dans à… ne pas mourir. Il avait quasiment zéro chance de sortir de l’aéroport Charles-de-Gaulle. Il n’avait même pas l’énergie d’essayer à l’arrivée. L’urgence quand on a ouvert la portière était à l’appel d’air. Le jeune homme a mis la tête la première. Il va être secouru avant d’être renvoyé dans le premier vol à destination d’Alger ou de Constantine. Il aura un siège.
En tout cas quelque chose de plus confortable que le garage.
À l’aller, il n’a pas eu le temps de penser au confort, c’est-à-dire… l’inconfort. On suffoque très vite, dans une soute à bagages. Au retour, le jeune homme va respirer la détresse du… retour au point de départ. Mais il aura l’air conditionné, en attendant le juge. Et la prison sûrement et puis un pays à revivre.
Slimane Laouari, Le 12 mars 2022
Projet : Fuir à tout prix !
Mercredi 9 mars 2022, Aymen, un jeune mineur algérien âgé d’à peine 16 ans, a pu déjouer tous les contrôles de l’aéroport de Constantine pour accéder au tarmac et se cacher ensuite dans la soute à bagages d’un avion d’Air Algérie qui assurait la liaison Constantine-Paris. Le jeune migrant clandestin a été découvert une fois à l’atterrissage sur la piste de l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle à Paris. Les agents aéroportuaires ont été estomaqués lorsqu’ils ont aperçu un jeune mineur au corps frêle, caché dans la soute à bagages…
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