L’ancien président de la République Abdelaziz Bouteflika est mort vendredi 17 septembre à l’âge 84 ans, moins de deux ans et demi après avoir quitté le pouvoir.
Après sa démission sous la pression de la rue et de l’armée, le 2 avril 2019, plusieurs de ses collaborateurs, soutiens notoires et proches sont passés par la case prison, y compris son frère et conseiller, Saïd, acquitté dans une affaire criminelle par le tribunal militaire de Blida mais toujours détenu dans le cadre d’une autre affaire devant la justice civile.
Deux Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, une trentaine de ministres et autant de généraux et des dizaines d’hommes d’affaires sont détenus, pour la plupart condamnés pour des faits commis sous la présidence Bouteflika.
L’Algérie a vécu à partir du 2 avril 2019 un climat postrévolutionnaire qui a vu beaucoup d’acteurs clés du système déchu rattrapés par la justice. Ceux qui ne le sont pas encore sont en fuite à l’étranger, comme l’ancien ministre de l’Énergie Chakib Khelil ou encore l’ex-ministre de l’Industrie Abdeslam Bouchouareb.
Mais il y a comme une incohérence. L’homme autour duquel tournait tout le système n’a jamais été inquiété. Abdelaziz Bouteflika, premier responsable du pays pendant 20 ans (1999-2019), n’a pas pris la fuite après sa chute.
Il est resté en Algérie, dans sa résidence médicalisée de Zéralda, mais il n’est venu à l’esprit d’aucun juge de le convoquer, même lorsque son nom a été cité par certains prévenus dans les différents procès anti-corruption.
Cité dans plusieurs affaires…
Lors du premier de ces grands procès, celui des usines de montage automobile et du financement occulte de la campagne pour le cinquième mandat, en décembre 2019, il a suffi que Ali Haddad cite le nom de Saïd Bouteflika pour que celui-ci soit ramené manu militari de sa cellule à la prison militaire de Blida pour être interrogé.
Ce ne sera pas le cas pour son frère, cité pourtant plusieurs fois par Ouyahia , Sellal et les autres, y compris par Saïd lui-même.
L’ancien conseiller n’a jamais cherché à enfoncer son frère aîné, mais il a toujours soutenu que les décisions étaient prises par la présidence en tant qu’institution. Donc par Abdelaziz Bouteflika.
C’était sa réponse par exemple quand il a été interrogé, dans le cadre de l’affaire de l’ex-ministre de la Justice Tayeb Louh, sur l’annulation du mandat d’arrêt lancé à l’encontre de Chakib Khelil.
Du reste, l’opinion publique n’avait pas besoin de témoignages pour conclure à la responsabilité de Abdelaziz Bouteflika, au vu des proportions atteintes par la corruption sous son règne et surtout des pouvoirs illimités qui étaient les siens.
Bouteflika s’en va avec ses secrets…
Au fil des procès, des voix se sont élevées pour réclamer la traduction de l’ancien président devant la justice, mais elles n’ont jamais été entendues. Bouteflika est resté hors d’atteinte jusqu’à sa mort.
Interrogé en juillet 2020, l’actuel président de la République avait déjà laissé entendre que son prédécesseur ne serait pas jugé.
« Je pense que la justice s’est prononcée. Si la justice le demande c’est son affaire mais pour le moment il n’en n’est pas question », avait répondu Abdelmadjid Tebboune.
Parmi ceux qui se sont prononcés publiquement pour un procès à l’encontre de Bouteflika, Abdelaziz Rahabi qui a été son ministre de la Communication pendant quelques mois avant de démissionner pour de profondes divergences de vues.
En février 2020, Rahabi avait plaidé pour « un jugement symbolique » de l’ancien chef de l’État, sans l’emprisonner, son état de santé ne le permettant pas. L’idée qui voulait que Abdelaziz Bouteflika ne gérait rien depuis son AVC en 2013, ne pouvait être confirmée ou infirmée qu’à travers un procès public où tous les concernés seraient entendus.
Il s’en va donc sans avoir éclairé l’opinion nationale et encore moins l’Histoire…
Pour de nombreux acteurs, un procès symbolique post-mortem doit absolument être envisagé si l’Algérie ne veut pas revivre cet incroyable épisode de scandales avec un niveau de corruption jamais atteint dans l’histoire contemporaine des nations…
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