“Restaurer les mosquées en pleine crise économique !” : Mustapha Hammouche explique…

L’État et la religion : entre foi et enjeu politique / Par Mustapha Hammouche

Le HCI, institution d’État, a délivré une fetwa sur le jeûne en temps de Covid-19. Le lendemain, le code pénal s’est enrichi d’une arme additionnelle de protection légale des imams. Plus tôt, la commémoration de “youm el llm” a été l’occasion pour Tebboune de s’engager à restaurer d’anciennes mosquées…en pleine crise financière et sanitaire.

Dans le système algérien, les dirigeants politiques ont toujours voulu exposer leur souci du religieux. Avec l’irruption du courant islamiste dans la vie politique nationale, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, la religion est devenue un enjeu politicien, même pour le pouvoir établi. Depuis, tous les régimes qui se sont succédé lui ont, tour à tour, concédé tout ce qu’ils pouvaient de facilités, histoire de montrer au courant obscurantiste offensif leur communauté d’idéal et ainsi, peut-être, se l’apprivoiser. 

Mais le problème avec l’islam politique, c’est qu’il n’est pas là pour servir la religion mais pour s’en servir dans le seul objectif qui le justifie : la prise de pouvoir. Ce quiproquo fait que ces régimes ont beau étaler leur disponibilité à promouvoir la foi, il n’ont jamais pu s’attirer les faveurs des forces islamistes organisées, sinon dans d’épisodiques alliances tactiques avec des courants à la marge du mouvement islamiste de fond.

Boumediene a cru utiliser les islamistes pour contrer les berbéristes dans les universités. Chadli, timoré par la subversion armée du groupe Bouyali, a pensé les apprivoiser, ou au moins les contrôler, en leur accordant des agréments de parti. Dos au mur, le pouvoir sacrifie Chadli pour empêcher leur victoire électorale, mais continue d’œuvrer à les réconcilier. Pour cela, il leur désignera même un ennemi plus urgent à abattre qui voudrait attenter à leur existence : les démocrates “éradicateurs”.

Plus tard, le régime Bouteflika, après avoir mis en œuvre la “réconciliation nationale” qui se résume en une amnistie des crimes terroristes, la consacre comme “constante” d’Etat dans la Constitution de 2016 ! Et pour léguer la preuve d’un règne au service de la foi, le président à vie a affecté une part considérable de la rente à la construction de la troisième plus grande mosquée du monde à Alger.

Un de ses derniers gestes symboles fut de surenchérir avec deux mille passeports “supplémentaires” de hadj !

Le budget de l’État pour soutenir le marketing religieux, partie intégrante du marketing politique. En terre d’Islam, les maîtres des lieux se comportent en missionnaires dans leurs propres pays !

Après la démission de Bouteflika, le pouvoir de fait, pour contrarier la revendication populaire de rupture, s’est inventé une nouvelle identité doctrinale alliant nationalisme (novembrisme) et islamisme (badissisme). Ce paradoxe historique et politique est un bon signe : il montre que les stratèges du régime ont détecté un fonds démocratique dans le hirak et sont allés tendre la main à son antidote islamiste. 

Aujourd’hui que la crise épidémique a éloigné le prêche de la vie sociale, le pouvoir prend toutes sortes de mesures visant à se concilier un allié islamiste contrarié. Il en a toujours été ainsi dans notre histoire récente : le pouvoir se confond inlassablement en démonstrations de soutien au culte mais, en fait, c’est à l’Islam politique que son empressement s’adresse.

Mustapha Hammouche, Liberté Le 22 Avril 20202


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